Jamendo Pro et Jamendo pas Pro : légère confusion
Il y a d’un côté « Jamendo », plateforme de « musique libre », qui prône l’usage des licences ouvertes, telles les licences Creative Commons, au point d’en imposer l’usage à tout artiste souhaitant diffuser sa musique sur le site. A ce titre, Jamendo est apparu comme un des premiers promoteurs de ces licences.
Et puis il y a désormais « Jamendo Pro », qui vend des licences d’utilisation commerciale de musique à des commerces, des publicitaires, des chaînes de télévision… A ce titre, « Jamendo Pro » se place comme concurrent de la SACEM et des éditeurs musicaux, voire des labels ou des agents, qui se chargent pour l’une de la collecte des droits d’auteur, et pour les autres de la négociation des contrats de diffusion.
D’un côté, donc, un site « militant » de la première heure en faveur de la musique libre (et qui s’est appuyé depuis 2005 sur l’aide de nombreux bénévoles pour se développer), et de l’autre une entreprise à la conquête de parts de marché dans le monde encore incertain des intermédiaires de la diffusion numérique.
Rien n’empêche a priori ces deux mondes bien distincts de cohabiter l’un à côté de l’autre, comme rien n’empêche par exemple la musique libre et la musique gérée par la SACEM de suivre chacune leur voie. Chacun son domaine, en quelque sorte.
Mais ces deux mondes sont-ils vraiment distincts ?
Tout d’abord, il n’échappera à personne qu’il existe une certaine similitude entre l’appellation « Jamendo » et « Jamendo Pro ». « Jamendo Pro » est un programme développé par « Jamendo », qui, loin d’être une association de militants, est une entreprise à but lucratif.
Emmanuel Barthe nous en disait plus le 7 septembre 2008 sur son blog :
Lancée début 2005 et tenue par Sylvain Zimmer, Laurent Kratz (CFO) et Pierre Gérard avec une équipe d’environ 20 personnes (seulement 4 dans le « noyau dur » au départ, plus 5 bénévoles), Jamendo SA, à l’origine une propriété de PeerMajor Sarl, est maintenant une solide start-up (…).
L’auteur précise plus loin que PeerMajor est introuvable au registre du commerce luxembourgeois et se demande si cette société est encore propriétaire de Jamendo S.A. La réponse est peut-être à chercher du côté de Mangrove Capital Partners, fond de capital-risque qui a investi en juillet 2007 dans Jamendo après avoir réalisé auparavant une juteuse opération avec « Skype » ?
Avant même la création de « Jamendo Pro », Jamendo avait développé un « modèle économique » fondé sur la publicité, de plus en plus intrusive sur le site à partir de 2006, et proposait noblement aux artistes de toucher la moitié des revenus publicitaires générés par leur propre musique. L’initiative avait de quoi séduire, car présentée comme une redistribution équitable des gains. Il y avait pourtant là, déjà, un certain mélange des genres, prêtant à confusion : Jamendo était-il encore un site de musique libre promouvant les licences ouvertes (avec une majorité d’artistes ayant choisi la licence CC by-nc-sa qui comporte une clause non commerciale) ? Ou était-ce une entreprise utilisant le travail d’artistes bénévoles pour attirer des annonceurs et ainsi convaincre de futurs investisseurs de la viabilité de ce modèle économique « innovant » ?
Plus troublant : le catalogue de « Jamendo Pro » est constitué, en principe, d’oeuvres dont les auteurs, inscrits sur Jamendo, ont volontairement souscrit à ce programme commercial, présenté comme une option. Pourtant, TOUS les morceaux présents sur Jamendo sont affublés d’un bouton « acquérir une licence d’utilisation commerciale » ou « achetez ce morceau pour une utilisation commerciale ». Jamendo apparaît donc comme une vaste vitrine musicale où toutes les oeuvres sont à vendre, ce qui est évidemment faux, puisque tous les artistes présents sur Jamendo ne sont pas forcément inscrits à « Jamendo Pro ». L’acheteur qui parcourt les pages de Jamendo ne se rendra compte de la nuance entre « Jamendo » et « Jamendo Pro » que s’il clique sur le bouton. C’est alors seulement qu’on lui signifiera, si l’oeuvre n’est pas au répertoire de « Jamendo Pro », que ce qu’il veut acheter n’est pas disponible « immédiatement ». Encore n’est-il pas totalement exclu, avec ce « immédiatement », que l’oeuvre puisse être accessible un jour… à ceci prêt qu’un auteur qui n’est pas inscrit à « Jamendo Pro » n’a en réalité encore donné aucun mandat à Jamendo pour vendre sa musique, ni « immédiatement » ni même dans un futur éloigné.
Faisons l’essai avec un des plus anciens et des plus populaires artistes de Jamendo : David TMX.
On clique pour acheter :
Zut ! On ne peut pas l’acheter. Mais Jamendo ne tue pas l’espoir : « Vous souhaitez absolument ces morceaux pour votre projet ? Contactez-nous et nous demanderons l’accord aux artistes concernés par votre demande ». Et quel artiste refuserait ?
Allez, cher David TMX, un petit effort, voyons : Mangrove Capital Partners compte sur toi ! Non, vraiment pas ?
Quelle entreprise préjugerait ainsi de la bonne volonté de potentiels vendeurs qui n’ont jamais émis la moindre intention de vendre ? Réponse : Jamendo, ou Jamendo Pro, enfin on ne voit plus très bien la nuance, car finalement, le catalogue de Jamendo n’est plus qu’un produit d’appel pour Jamendo Pro, dans ces conditions.
Enfin, tout ça, c’est (presque) du passé car Jamendo a promis d’enlever ces drôles de bouton dès le 15 juillet 2009. Notre pétition n’y serait-elle pas pour quelque chose ?
Donc, tout est clarifié, plus de souci à se faire… jusqu’à la prochaine fois.
3 commentaires »
Moi j’vois pas le probleme. Qd on publie sur Jamendo, ce n’est pas tant par appat du gain, mais plus pour avoir une vitrine et ne pas de faire suer avec la paperasse.
L’idée initiale n’est effectivement pas de vendre.
Ce la dit ,si malgres tout qqun veut acheter notre musique, pourquoi jetter la pierre à Jamendo qui se fait intermédiaire ?
Parce que Jamendo, vulgaire intermédiaire parasitaire, continue à se faire passer pour une plateforme de musique libre. Or les agissements de Jamendo ont justement pour conséquence de dévoyer la musique libre, de la faire passer pour une musique au rabais. Il est là le problème. Que toi, tu ne veuilles pas le voir, c’est ton droit. Tu es même libre de fournir toi-même la vaseline. Mais pour le mouvement du libre, qui a une dimension éthique et politique, c’est tout à fait nuisible.
ha ce qu’ils sont crédibles ces musiciens… j’ai failli regretter d’être inscrit à la sacem… J’avoues il y a des incovenients mais quand je vois comment est protégée votre musique… des sites ricains qui vendent vos morceaux… jamendpro qui se recupere des marges folles…