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Innovation (3)

Lundi 31 août 2009

Le 14 mai 2009, Astrid Girardeau donnait la parole à Sylvain Zimmer, fondateur de Jamendo, sur le site ecrans.fr.

Une fois encore, les propos de notre brave « sylvinus » sont remplis de poésie innovante. « Jamendo PRO, un lien avec le projet de loi Création et Internet ? » demande la journaliste. Réponse :

Oui, il s’agit un peu de notre réponse à Hadopi. Avec Hadopi on a le sentiment que certains veulent diaboliser la toile. Mais on n’avait pas envie de critiquer sans apporter de solution. Jamendo Pro est une idée parmi les modèles économiques intelligents qu’il est possible de développer pour la musique. Et, par cette offre, on propose aux artistes, peut-être pas de gagner leur vie, mais au moins de toucher plus de revenus complémentaires.

Admirons la beauté de la dialectique sylvinesque. Jamendo Pro serait donc juste une « réponse » à Hadopi, un beau geste militant en faveur de la liberté, en somme, et certainement pas un projet mûri de longue date dans le business plan de Jamendo S.A. Amusant, non ?

Sylvain Zimmer admet au passage que Jamendo Pro ne permettra pas aux artistes de gagner leur vie (tant pis pour les rêveurs), mais certifie qu’ils pourront toucher « plus de revenus complémentaires ». Mais « plus » que quoi ? Car Jamendo Pro garde 50% des recettes, ce qui est nettement supérieur aux frais de fonctionnement prélevés par la SACEM, par exemple (environ 20%, d’après Zimmer lui-même). Quel humoriste, ce Sylvain !

Au sujet de la SACEM, Sylvain, décidément inspiré ajoute :

Mais la Sacem pose des problèmes notamment par sa répartition opaque des sommes collectées. On ne sait pas quels sont les critères de répartition. Reste qu’au final quelques artistes importants gagnent beaucoup, et les indépendants ne touchent presque rien.

Avec Jamendo Pro, les « indépendants » touchent effectivement un peu plus que rien, mais tout de même pas beaucoup plus, on dirait. Stouffi the Stouves, par exemple, s’étonnait le 5 juillet 2009 sur le forum de Jamendo qu’un de ses morceaux (sans qu’il sache d’ailleurs lequel) aie été vendu pour 2,50 € (sans qu’il sache à qui). Pas sûr que la « répartition opaque » de la SACEM fasse vraiment pire. Et à propos d’opacité, que dire de la communication de Jamendo, critiquée de façon récurrente sur le forum par les utilisateurs du site ?

Pour justifier le fait que Jamendo garde 50% des revenus, Sylvain Zimmer explique ensuite que Jamendo Pro fait plus de choses qu’une simple société de collecte.

Nous, on fait plusieurs métiers à la fois. Et c’est pour ça qu’on supprime les intermédiaires (diffuseurs, programmateurs, etc.)

Mais qu’est Jamendo Pro, sinon un intermédiaire parasitaire ? Les diffuseurs, programmeurs, éditeurs, etc. ont des compétences, font un travail de promotion, de sélection… Quelle est la ligne éditoriale de Jamendo Pro ? Quelle valeur ajoutée est apportée à la musique ? Qu’est-ce qui empêche un commerce intéressé par une musique diffusée sur Jamendo de contacter directement l’artiste pour lui proposer un deal, sans avoir à verser sa dîme à Jamendo Pro ? Ah ! oui, c’est vrai, l’utilisateur voit un gros bouton « acquérir une licence commerciale », alors il clique dessus et se retrouve ainsi dans les filets de Jamendo Pro, sans se douter qu’il aurait pu se passer de cet intermédiaire coûteux mais inutile en envoyant tout simplement un message à l’artiste.

Et Zimmer d’ajouter :

Notre avantage, contrairement à des sites tournés vers la musique commerciale, comme Deezer, c’est qu’on a à la fois une communauté énorme, et on propose des liens directs entre les artistes et les professionnels.

Un lien direct avec tout de même un léger détour vers le péage de Jamendo Pro, bien sûr.

Quand les gens achètent une licence musicale pour tel titre ou flux, ils savent que le ou les artistes les autorisent à faire tel usage de leur musique. Et ils ont l’assurance que ces artistes ne sont pas à la Sacem. Tous les artistes de Jamendo doivent attester qu’ils ne sont pas à la Sacem, et nous prévenir, dans un certain délai, si jamais ils y vont.

Le nez de notre brave Sylvain a dû s’allonger un peu lorsqu’il a affirmé cela, car nous avons démontré ici-même que l’auditeur ou l’acheteur n’ont en réalité aucune garantie que la musique présente sur Jamendo ne figure pas au catalogue de la SACEM. Voir notre article à ce sujet, ou plus récemment l’exemple de cet artiste sacémisé se plaignant de Jamendo sur le forum du site : sa musique a été masquée seulement après qu’il a refusé un deal proposé par Jamendo Pro. Et s’il avait accepté ?

Face à l’imminence de la mise en concurrence des sociétés de gestion des droits d’auteur (imposée par l’Europe), la pensée sylvinesque se montre une fois de plus fulgurante :

On regarde ça de près. On sait que ce n’est qu’une question de temps. A la Sacem, eux savent que c’est au-dessus de leur tête, et c’est à ça qu’ils pensent en allant se coucher.

Mais à quoi pense Sylvain Zimmer avant d’aller se coucher ? Peut-être à l’opportunité de faire ouvertement de la concurrence déloyale à la SACEM (en cassant les prix de diffusion au détriment des artistes) ? Mystère.

Concluons avec une dernière perle sylvinesque :

Notre but est de répondre à un besoin. On est conscient que certaines boutiques préfèreront toujours passer du Madonna plutôt que de la musique indépendante. Mais on se demande combien représente l’autre partie, et on sait en tout cas qu’elle n’est pas marginale.

Notons le concept de « musique indépendante » utilisé ici de façon « innovante ». On avait l’habitude d’opposer la musique commerciale ou « mainstream » produite à grand budget et destinée au plus large public à la musique « indé » produite généralement par de petits labels qui visaient la qualité ou la nouveauté plus que le succès interplanétaire. Dans les deux cas, ces musiques étaient sous le régime du copyright ou de la SACEM. Avec l’émergence de la musique libre, on a vu des autoproduits (dans tous les genres et avec tous les niveaux de qualité ou d’expérimentation) accéder à la diffusion. Mais aussi des artistes très produits, devenus tardivement indépendants de l’industrie du disque, tels le groupe Nine Inch Nails, qui diffuse à présent sous licence CC by-nc-sa. A ce titre, même Madonna, citée ici par Zimmer, pourrait parfaitement devenir « indé » et même se mettre à la libre diffusion. A l’inverse, des artistes confidentiels utilisent toujours les voies de diffusion traditionnelles.

Jamendo met de la musique en vrac à disposition de ses clients. En aucun cas cette entreprise ne joue le rôle de label « indé » au service d’artistes méconnus du grand public. Et les artistes qui adhèrent à Jamendo Pro se lient bel et bien à un intermédiaire qui prélèvera la moitié de leurs revenus sans avoir investi le moindre centime dans la production musicale. Ils perdent ainsi l’indépendance que leur donnait la musique libre, en se soumettant à un nouvel acteur économique encore moins scrupuleux que ceux de l’ancien système. Chapeau monsieur Zimmer !

Jamendo ne respecte (toujours) pas les licences ouvertes

Mercredi 22 juillet 2009

Suite à notre pétition qui recueille actuellement 67 signatures, Jamendo a bien modifié ses bannières (cf. article) mais continue à proposer à la vente des oeuvres d’artistes qui ne l’ont pas demandé.

Comme annoncé par Sylvinus, Jamendo a peut-être ajouté « dans le panel d’admin » « une option pour enlever les boutons ‘‘acquérir une licence commerciale’’ quand on est allergique […] » (cf. commentaire de Sylvinus sur ce blog). Mais ces boutons sont toujours bien présents sur les pages des albums et des morceaux.

Cela signifie que, par défaut, l’ensemble du catalogue disponible sur Jamendo est (toujours) proposé à la vente et qu’il revient aux artistes de penser à supprimer ces boutons mensongers.

Il serait plus juste que, par défaut, l’artiste ne soit pas affiché à la vente et que ce soit lui qui décide d’être ou non sur « Jamendo Pro », mais les artistes sont de grands enfants influençables (cf. article). J’espère que vous apprécierez.

Pourquoi disons-nous que Jamendo ne respecte pas les licences ouvertes (ou licences de libre diffusion) ?

Parce qu’un artiste qui a choisi une licence non commerciale (avec clause « NC ») a clairement spécifié qu’il ne souhaitait pas qu’un tiers fasse du business avec sa musique.

C’est à l’artiste de décider, de par le principe de la gestion individuelle inhérent aux licences ouvertes.

Que voit-on maintenant sur Jamendo ?

Prenons, au hasard (1), le cas d’un artiste luxembourgeois (2) inscrit à la SACEM et présent sur Jamendo. Il s’agit du groupe « Eternal Tango », dont les morceaux figurent au catalogue de la SACEM (http://www.sacem.fr/catel/) avec mention du bassiste et compositeur Tom Gatti (3) comme auteur.

Prenons l’album « First Round at the Sissi Café » publié sous licence Creative Commons NonCommercial Sampling Plus 1.0. L’artiste a donc bien choisi une licence non commerciale, bien que celle-ci soit incompatible à l’heure actuelle avec la SACEM (1).

Pourtant, Jamendo prétend bien être en mesure de vendre son album. Il suffit pour cela de cliquer sur le bouton « acquérir une licence commerciale » auquel nous sommes tant allergiques  (cf. article).

Album First round at the Sissi Café

Album First round at the Sissi Café

Cliquons donc sur ce bouton (attention à l’urticaire, quand même !)

Les prix sont compétitifs (à partir de 2 € HT la piste) et nous pouvons obtenir un certificat nous exonérant de la redevance SACEM !!!!? (4).

Allons un peu plus loin en remplissant les champs nécessaires.

Les morceaux sont indisponibles. Ouf ! Le groupe n’a probablement pas souscrit à « Jamendo Pro ». Pourtant, le bouton « acquérir une licence commerciale » laissait penser le contraire.

Sylvinus nous avait prévenus que nous ne trouverions pas d’artistes SACEM sur « Jamendo Pro » !

Jamendo nous donne quelques explications sur ces morceaux présentés comme « en attente de disponibilité » :

Les morceaux indisponibles sont des morceaux que vous avez pu trouver sur jamendo.com et dont les auteurs n’ont pas encore donné leur accord pour une utilisation commerciale.
Vous pouvez toutefois passer commande, nous demandons immédiatement l’accord des auteurs pour l’utilisation de leurs morceaux pour votre projet.

Nous y voilà ! Les morceaux ne sont « pas encore » en vente, mais… tout laisse à penser que ce n’est que provisoire. Il est même possible de passer commande, alors que les morceaux ne sont en fait pas en vente et que les auteurs ne sont pas inscrits à « Jamendo Pro ».

Pourtant nous avons vu plus haut que l’artiste avait choisi une licence « Non Commercial » dont Jamendo se contrefout visiblement, puisque les morceaux sont quand même proposés à la commande.

Imaginons la méthode Jamendo appliquée à d’autres secteurs de l’économie. La voiture de votre voisin vous intéresse ? Vous passez commande sur internet, même si lui n’a jamais émis la moindre intention de vendre son carrosse. Un équivalent de Jamendo se fera fort de le convaincre d’accepter de le vendre à vil prix. Sa maison n’est pas mal non plus ? Passez commande. Sa femme ? Qui sait si elle n’a pas vocation à la prostitution ? Passez juste commande, on ne sait jamais : elle a peut-être juste oublié de cocher l’option « pro »…

Jamendo peut-il toujours prétendre respecter les licences ouvertes ?

Nous demandons simplement à Jamendo que l’artiste puisse décider lui-même et que le catalogue de musique sous licences ouvertes de Jamendo ne soit pas par défaut la vitrine du catalogue sous licence commerciale de « Jamendo Pro ». Les artistes inscrits sur Jamendo sont libres d’adhérer au programme « Jamendo Pro » et assez grands pour faire eux-mêmes, sciemment et volontairement, le choix de verser leurs oeuvres au catalogue de « Jamendo Pro ».

Le client intéressé par les offres de « Jamendo Pro » n’a a priori rien à faire sur jamendo.com. S’il veut faire ses courses, qu’il les fasse directement sur « Jamendo Pro ». Et si, en tant que mélomane, il apprécie des oeuvres présentes sur jamendo.com et que cela suscite son intérêt de commerçant, il peut facilement contacter l’artiste pour lui faire part de son intérêt et lui suggérer d’adhérer à « Jamendo Pro », ou même mieux : lui proposer directement un deal, évitant ainsi de payer une commission à Jamendo.

Jamendo entretient la confusion entre jamendo.com (plateforme d’écoute et de partage) et « Jamendo Pro » qui s’adresse aux professionnels.

Nous aurons l’occasion de revenir dans d’autres articles sur la nocivité de la démarche de Jamendo, mais force est de constater que « Jamendo Pro » n’a plus rien à voir avec la musique libre, contrairement à ce qui est annoncé en première page du site.

Avec les licences pro, Jamendo renie la gestion individuelle et on peut d’ailleurs s’interroger sur l’intérêt de l’artiste de passer par une société qui ponctionne, au passage, 50 % des revenus.

(1) Le hasard fait bien les choses, dit on. Nous aurions pu prendre l’exemple d’un artiste non inscrit à la SACEM, mais il nous a semblé encore plus criant d’en choisir un qui théoriquement ne devrait pas être sur Jamendo, de par l’incompatibilité des licences ouvertes (cf. notre article sur le cas de l’artiste « Petit Homme »). On pourrait nous objecter que le groupe Eternal Tango est luxembourgeois, et échappe donc peut-être aux règles habituelles de la SACEM, qui n’aurait reçu qu’une délégation pour la France. Nous ne savons pas si ce groupe est adhérent direct de la SACEM ou d’une autre société d’auteurs ou sous le régime du copyright. Toutefois, d’autres oeuvres présentes sur Jamendo et figurant au répertoire de la SACEM impliquent aussi des auteurs bien français, tels l’artiste Marc, dont les morceaux présents sur Jamendo sont enregistrés à la SACEM sous le nom de Marc Zeitoun, ou Phil de Guip, dont les morceaux ont pour auteur-compositeur (d’après la SACEM) un certain Jean-Yves Gautier (alias Syd Mc Angel, arrangeur). D’autres cas de ce genre sont évoqués dans notre article « Des artistes SACEM sur Jamendo« .

(2) Le monde est petit, le Luxembourg encore plus ;-)

(3) On ne retrouve pas son nom sur Jamendo ou Myspace mais tout simplement sur Wikipédia et la liste des morceaux déposés en comparaison de ceux présents sur Jamendo confirme qu’il s’agit bien du même auteur.

(4) Je vous avais bien dit qu’on s’amuserait.

Jamendo Pro et Jamendo pas Pro : légère confusion

Vendredi 10 juillet 2009

Il y a d’un côté « Jamendo », plateforme de « musique libre », qui prône l’usage des licences ouvertes, telles les licences Creative Commons, au point d’en imposer l’usage à tout artiste souhaitant diffuser sa musique sur le site. A ce titre, Jamendo est apparu comme un des premiers promoteurs de ces licences.

Et puis il y a désormais « Jamendo Pro », qui vend des licences d’utilisation commerciale de musique à des commerces, des publicitaires, des chaînes de télévision… A ce titre, « Jamendo Pro » se place comme concurrent de la SACEM et des éditeurs musicaux, voire des labels ou des agents, qui se chargent pour l’une de la collecte des droits d’auteur, et pour les autres de la négociation des contrats de diffusion.

D’un côté, donc, un site « militant » de la première heure en faveur de la musique libre (et qui s’est appuyé depuis 2005 sur l’aide de nombreux bénévoles pour se développer), et de l’autre une entreprise à la conquête de parts de marché dans le monde encore incertain des intermédiaires de la diffusion numérique.

Rien n’empêche a priori ces deux mondes bien distincts de cohabiter l’un à côté de l’autre, comme rien n’empêche par exemple la musique libre et la musique gérée par la SACEM de suivre chacune leur voie. Chacun son domaine, en quelque sorte.

Mais ces deux mondes sont-ils vraiment distincts ?

Tout d’abord, il n’échappera à personne qu’il existe une certaine similitude entre l’appellation « Jamendo » et « Jamendo Pro ». « Jamendo Pro » est un programme développé par « Jamendo », qui, loin d’être une association de militants, est une entreprise à but lucratif.

Emmanuel Barthe nous en disait plus le 7 septembre 2008 sur son blog :

Lancée début 2005 et tenue par Sylvain ZimmerLaurent Kratz (CFO) et Pierre Gérard avec une équipe d’environ 20 personnes (seulement 4 dans le « noyau dur » au départ, plus 5 bénévoles), Jamendo SA, à l’origine une propriété de PeerMajor Sarl, est maintenant une solide start-up (…).

L’auteur précise plus loin que PeerMajor est introuvable au registre du commerce luxembourgeois et se demande si cette société est encore propriétaire de Jamendo S.A. La réponse est peut-être à chercher du côté de Mangrove Capital Partners, fond de capital-risque qui a investi en juillet 2007 dans Jamendo après avoir réalisé auparavant une juteuse opération avec « Skype » ?

Avant même la création de « Jamendo Pro », Jamendo avait développé un « modèle économique » fondé sur la publicité, de plus en plus intrusive sur le site à partir de 2006, et proposait noblement aux artistes de toucher la moitié des revenus publicitaires générés par leur propre musique. L’initiative avait de quoi séduire, car présentée comme une redistribution équitable des gains. Il y avait pourtant là, déjà, un certain mélange des genres, prêtant à confusion : Jamendo était-il encore un site de musique libre promouvant les licences ouvertes (avec une majorité d’artistes ayant choisi la licence CC by-nc-sa qui comporte une clause non commerciale) ? Ou était-ce une entreprise utilisant le travail d’artistes bénévoles pour attirer des annonceurs et ainsi convaincre de futurs investisseurs de la viabilité de ce modèle économique « innovant » ?

Plus troublant : le catalogue de « Jamendo Pro » est constitué, en principe, d’oeuvres dont les auteurs, inscrits sur Jamendo, ont volontairement souscrit à ce programme commercial, présenté comme une option. Pourtant, TOUS les morceaux présents sur Jamendo sont affublés d’un bouton « acquérir une licence d’utilisation commerciale » ou « achetez ce morceau pour une utilisation commerciale ». Jamendo apparaît donc comme une vaste vitrine musicale où toutes les oeuvres sont à vendre, ce qui est évidemment faux, puisque tous les artistes présents sur Jamendo ne sont pas forcément inscrits à « Jamendo Pro ». L’acheteur qui parcourt les pages de Jamendo ne se rendra compte de la nuance entre « Jamendo » et « Jamendo Pro » que s’il clique sur le bouton. C’est alors seulement qu’on lui signifiera, si l’oeuvre n’est pas au répertoire de « Jamendo Pro », que ce qu’il veut acheter n’est pas disponible « immédiatement ». Encore n’est-il pas totalement exclu, avec ce « immédiatement », que l’oeuvre puisse être accessible un jour… à ceci prêt qu’un auteur qui n’est pas inscrit à « Jamendo Pro » n’a en réalité encore donné aucun mandat à Jamendo pour vendre sa musique, ni « immédiatement » ni même dans un futur éloigné.

Faisons l’essai avec un des plus anciens et des plus populaires artistes de Jamendo : David TMX.

pour un album entier

pour un morceau

On clique pour acheter :

pour un morceau

Zut ! On ne peut pas l’acheter. Mais Jamendo ne tue pas l’espoir : « Vous souhaitez absolument ces morceaux pour votre projet ? Contactez-nous et nous demanderons l’accord aux artistes concernés par votre demande ». Et quel artiste refuserait ?

Allez, cher David TMX, un petit effort, voyons : Mangrove Capital Partners compte sur toi ! Non, vraiment pas ?

Quelle entreprise préjugerait ainsi de la bonne volonté de potentiels vendeurs qui n’ont jamais émis la moindre intention de vendre ? Réponse : Jamendo, ou Jamendo Pro, enfin on ne voit plus très bien la nuance, car finalement, le catalogue de Jamendo n’est plus qu’un produit d’appel pour Jamendo Pro, dans ces conditions.

Enfin, tout ça, c’est (presque) du passé car Jamendo a promis d’enlever ces drôles de bouton dès le 15 juillet 2009. Notre pétition n’y serait-elle pas pour quelque chose ?
Donc, tout est clarifié, plus de souci à se faire… jusqu’à la prochaine fois.

Les artistes sont de grands enfants

Mercredi 8 juillet 2009

12 mai 2009 : Sylvain Zimmer (sylvinus) répond sur le forum de Jamendo après que des utilisateurs ont signalé que tous les morceaux diffusés sur le site étaient affublés d’un bouton « acquérir une licence commerciale », même s’ils ne font pas partie du catalogue de Jamendo Pro.

on a pensé à détecter dès cette page le cas particulier quand les tracks ne sont inscrits à aucun programme jamendo pro. le probleme c’est que 7 fois sur 10, après cette demande de licence, l’artiste accepte. Donc on préfère ouvrir la porte à des ventes de licence éventuelles, soumises à l’approbation de l’artiste, que d’envoyer chier l’acheteur direct. Ca ne vous semble pas raisonnable ?

Est-il raisonnable de mettre à la vente des morceaux que les auteurs n’ont pas souhaité vendre, sous prétexte qu’ils ont de grandes chances d’accepter a posteriori ?

15 juin 2009 : Le même sujet est à nouveau abordé sur le forum de Jamendo, et c’est cette fois Amélie Roëlants, qui répond à Psychonada.

imagine un artiste qui ne s’est jamais intéressé à son menu admin. il ne voit pas qu’il peut vendre des licences pour sa musique. on lui laisse une chance d’être « repéré » et si un client en fait la demande, nous le contactons pour savoir si il est ok/intéresse. faut voir que tous les artistes n’ont pas la même approche que toi ou Mankind et que si on leur propose qqch, en général ils sont très contents d’accepter.

Artiste qui n’a pas adhéré à Jamendo Pro, tu es vraiment un grand enfant. heureusement, Jamendo sait ce qui est bon pour toi.

Innovation (1)

Mercredi 8 juillet 2009

6 février 2009 : Laurent Kratz répond à un article du blog presse-citron qui fait l’éloge de Jamendo Pro, « alternative concrète à la SACEM ».

Nous sommes une plateforme de gestion individuelle de droits, de promotion et de distribution numérique basée sur l’innovation des licences Creative Commons.

Ce qui est amusant, c’est que Laurent Kratz fasse référence à la « gestion individuelle » des droits au moment où Jamendo Pro se pose précisément en concurrent de la SACEM, organisme de gestion collective.

La référence aux licences Creative Commons comme « innovation » peut également faire sourire : avec « Jamendo Pro », Jamendo vend des licences d’utilisation commerciale qui sont des licences maison et se démarquent donc des Creative Commons. La « marque » Creative Commons, et au-delà le phénomène de la musique libre, servent donc de produit d’appel pour vendre de la licence Jamendo Pro. Jamendo, qui prétend offrir le « plus important catalogue de musique libre au monde » (et archive.org, alors ?) instrumentalise en fait à son profit l’image de la musique libre pour en quitter aussitôt le champ d’action.

« L’innovation » est le maître-mot de Jamendo. Par exemple, ne pas respecter les prérogatives de la SPRE ou de la SACEM, ce que le droit considère comme une infraction, est présenté comme une « innovation ». Ainsi, lorsqu’un article sur 01net.com révèle les démêlés de « Jamendo Pro » avec la SPRé (qui a écrit à Jamendo pour lui signaler que les utilisateurs de « Jamendo Pro » devaient reverser  les droits voisins au titre de la « rémunération équitable »), Laurent Kratz rétorque :

C’est un régime légal français un peu particulier, explique Laurent Kratz, président de Jamendo. Avec Jamendo, nous sommes dans l’innovation, il y a encore des tas de choses à clarifier.

On comprend mieux la nécessité pour l’entreprise d’avoir son siège social au Luxembourg. Il est ainsi plus aisé d’innover loin du « régime légal français un peu particulier ».

Amélie Roëlants répond aussi sur le forum de Jamendo :

La SPRé est un obligation légale française.
Même si vous passez votre propre musique ou de la musique du domaine publique dans votre lieu public, vous devez payer cette licence. (par exemple certain magasin passe que des CéDés de Mozart et Bach, ils ne doivent pas payer la SACEM, mais doivent bien payer la SPRé).
Cela s’applique donc à Jamendo aussi. Jamendo innove, on a encore beaucoup de choses à clarifier.

On démarre les démarches pour que les artistes qui passent dans nos radios pro en france touchent ce que la spré a collecté. C’est une démarche qui va mettre des années, mais elle est démarrée.

On garde une démarche transparente, en ligne, non exclusive, adaptable titre par titre, qui s’interrompt sur simple click à la demande des ayants droits.

« Jamendo innove », donc : cette innovation consiste visiblement à prendre quelque liberté avec le droit (c’est évidemment le droit qui est en retard sur Jamendo), et les ayants droit lésés peuvent interrompre cette démarche « transparente » (sic) sur « simple clic ».

Sylvinus (alias Sylvain Zimmer, cofondateur de Jamendo) précise ensuite :

Les clients jamendo pro ne doivent en *aucun cas* payer la sacem. La sacem collecte « pour » la spré, mais quand le resto a une licence j.pro, il ne devrait théoriquement payer que la spré en plus. ce qui dans la pratique n’est encore jamais arrivé, puisque les inspecteurs sacem ne passent plus.

Ainsi donc l’innovation de Jamendo consiste à affirmer à ses clients qu’ils n’ont à payer ni la SACEM ni la SPRé, alors qu’ils devraient « théoriquement » le faire pour la SPRé. Mais puisque les inspecteurs de la SACEM « ne passent plus »…

Quand Jamendo met en vente des morceaux sans l’autorisation des ayants droit

Mercredi 8 juillet 2009

Décembre 2007 : Jamendo met en place de nouvelles conditions générales d’utilisation qui stipulent : « Vous autorisez JAMENDO à reproduire, représenter, traduire, numériser, utiliser à des fins publicitaires, commerciales ou non, l’ensemble des Contenus et informations que vous avez apportées sur les Services ». Les artistes qui ont mis en ligne leurs oeuvres sur Jamendo avant cette date n’ont pas forcément perçu cette subtilité. Les musiciens ne sont pas forcément juristes et une phrase glissée dans un long texte juridique passe facilement inaperçue. Il n’y a pas eu d’annonce publique ni d’explication à ce sujet. Dès lors, on peut supposer que de nombreux artistes ignorent ce « détail » pourtant important. Ainsi, il n’est pas certain que les auteurs diffusant sous une licence qui comporte une clause « non commerciale » sachent réellement qu’en s’inscrivant sur Jamendo, ils permettent de fait à l’entreprise luxembourgeoise de déroger à cette clause. Ces CGU n’offrent toutefois pas (pas encore ?) à Jamendo le droit de vendre la musique qui lui est confiée.

Décembre 2008 : Création par Jamendo de la licence « Jamendo Pro ». Les artistes diffusés sur Jamendo sont invités à souscrire à ce programme, présenté comme optionnel. Jamendo Pro commence ainsi à vendre des licences d’utilisation commerciale. A noter que faute d’adhésion des auteurs au programme « pro », les oeuvres diffusées sur Jamendo restent évidemment soumises aux licences ouvertes dont Jamendo impose encore l’usage. Certaines de ces licences comportent une clause « nc » qui interdit tout usage commercial de l’oeuvre (sauf dérogation accordée par l’auteur, dérogation dont bénéficie d’ailleurs Jamendo pour l’affichage de bandeaux publicitaires sur le site, comme le stipulent les CGU).

10 mai 2009 : Mastaroth révèle sur le forum de Jamendo (voir discussion) que certains de ses morceaux sont en vente sur Jamendo Pro sans son autorisation. Bien que n’ayant jamais souscrit au programme « pro », il a eu la surprise d’y trouver ses morceaux, et est même allé jusqu’à tester l’achat (voir capture d’écran).

12 mai 2009 : Sylvinus (alias Sylvain Zimmer, fondateur de Jamendo) affirme qu’il est « impossible qu’on vende des licences si l’artiste n’a pas donné son accord, c’est le principe même de jamendo pro ». Il reconnaît toutefois que les morceaux de Mastaroth ont été mis en vente sans son autorisation : « il y a bien eu un bug », dit-il. Le problème serait donc d’ordre technique et le « bug » est effectivement corrigé dans la journée : les morceaux de Mastaroth ne sont plus disponibles à l’achat. Mais l’affaire est l’occasion de révéler que tous les morceaux diffusés sur Jamendo sont affublés d’un bouton « acquérir une licence commerciale », même si les artistes n’ont pas adhéré à Jamendo Pro.

9 juin 2009 : Psychonada découvre qu’un morceau dont il est co-auteur est en vente sans son autorisation sur Jamendo Pro. Il alerte immédiatement par courriel Maya de Luna, autre co-auteure du morceau, qui le diffuse sur Jamendo. Celle-ci admet avoir peut-être souscrit à Jamendo Pro sans en avoir mesuré les conséquences ni avoir averti ses co-auteurs. Mais Jamendo n’a fait aucune demande d’accord aux autres ayants droit des morceaux diffusés par Maya de Luna. Mankind Concept et Solcarlus sont dans le même cas : des morceaux dont ils sont auteurs ou co-auteurs sont également mis en vente sur Jamendo Pro sans leur accord.

14 juin 2009 : Mankind Concept proteste publiquement sur le forum de Jamendo (voir discussion). Avec Solcarlus et Psychonada, ils réclament le retrait du catalogue de Jamendo Pro des morceaux dont ils sont auteurs ou co-auteurs, et obtiennent satisfaction. Toutefois, le bouton « acquérir une licence commerciale » est maintenu sur chaque morceau. En conséquence, les trois auteurs exigent le retrait total des morceaux incriminés de Jamendo.

17 juin 2009 : Les morceaux de Maya de Luna dont Mankind Concept, Solcarlus et Psychonada sont ayants droit sont bien supprimés du catalogue Jamendo. Jamendo a même supprimé sans explication publique deux albums de Maya de Luna. Du coup, celle-ci proteste sur le forum. Le débat de fond sur la vente sans autorisation est alors éclipsé par des considérations plus personnelles.

20 juin 2009 : Mankind Concept recentre le débat en révélant que Jamendo affirme désormais  dans ses bandeaux publicitaires vendre de la musique « libre de droits » (voir image). Pourtant, sur la page de Jamendo Pro, on peut lire : « Profitez du plus important catalogue de musique libre au monde ». Musique libre ou musique libre de droits ? Ce n’est pas la même chose, et Jamendo, site pionnier de l’utilisation des licences libres ou ouvertes depuis 2004 devrait en savoir quelque chose. La confusion ainsi entretenue, tandis que des morceaux se retrouvent en vente sur Jamendo Pro sans l’autorisation des auteurs, méritait peut-être un débat approfondi.

25 juin 2009 : Reznamor montre que des musiques sous copyright sont diffusées sur Jamendo. On peut lire sur la page de Jamendo Pro : « Economisez les redevances des sociétés de gestion de droits d’auteur (SACEM…) ». Pourtant, si des musiques sous copyright ou figurant au catalogue de la SACEM se retrouvent sur Jamendo, et donc possiblement sur Jamendo Pro, les clients de Jamendo Pro qui croient pouvoir s’affranchir des paiements à la SACEM risquent de déchanter.

26 juin 2009 : Kenji fait référence à la SPRE (voir article). On apprend ainsi que cet organisme est habilité à collecter les droits voisins sur les diffusions. Jamendo Pro a peut-être promis un peu vite à ses clients qu’ils n’auraient rien de plus à payer que la licence Jamendo Pro. Les discussions se poursuivent ensuite sur ce point, ainsi que sur la diffusion par Jamendo d’oeuvres copyrightées.

7 juillet 2009 : Censure. La discussion est close par Jamendo, sous prétexte que le problème de Maya de Luna est résolu, alors que ce n’était vraiment pas le fond du problème.