Archive pour la catégorie ‘Les turpitudes de Jamendo’

Mise à jour

Lundi 23 mai 2011

Le temps a passé depuis notre pétition de 2009. Revenons un instant au Luxembourg voir ce qu’est devenu le Clearstream de la musique libre deux ans plus tard.

Après avoir été lâché par le fond d’investissement Mangrove, Jamendo a connu quelques restructurations : licenciements, éviction de Laurent Kratz, et prise de participation d’un nouvel acteur. Laissons Pierre Gérard, cofondateur de Jamendo, nous faire les présentations :

Pour ceux qui ont loupé l’info, c’est maintenant officiel: les investisseurs et fondateurs de Jamendo ont finalisé un deal avec la société MusicMatic SA, vous pouvez lire le communiqué sur le blog jamendo
MusicMatic est spécialisé dans la fourniture de contenu audio et video dans les points de ventes et était un client de Jamendo qui lui fournissait déjà du contenu musical “non SACEM”. Jamendo peut ainsi développer son offre commerciale pour les points de vente mais aussi continuer à proposer la vente de licences pour la synchronisation musicale de programmes audiovisuels via le shop en ligne ou d’autres distributeurs.
Pour nous ça change quoi ? Notre équipe est bien entendu plus réduite (une dizaine de personnes à Luxembourg), nous avons des bureaux à Paris (où MusicMatic est présent), nous n’avons plus de fond d’investissement comme actionnaire (MusicMatic a acheté les actions de Mangrove). L’objectif principal pour nous est bien sûr le développement commercial, notre ambition est de mettre en place de meilleurs canaux commerciaux et aussi des flux musicaux d’encore meilleure qualité.

Mais qui est le nouveau propriétaire de Jamendo ? MusicMatic, pour faire simple, est donc une entreprise qui sonorise des commerces sans aucune référence à la musique libre ni aux licences ouvertes. Mais d’où proviennent donc les musiques utilisées par MusicMatic ? En partie de « Jamendo Pro », probablement, dont MusicMatic était déjà « client » avant de racheter Jamendo. Il est intéressant de voir la chaîne industrielle ainsi créée :

  1. Le producteur de matière première sonore est l’artiste amateur un peu benêt qui dépose sa musique sur Jamendo, croyant naïvement qu’il s’adresse ainsi à la « plateforme n°1 de musique libre » et que sa musique sera diffusée sous licence ouverte (la plus communément choisie est la licence Creative Commons BY-NC-SA qui interdit les utilisations commerciales et oblige les oeuvres dérivées à être diffusées selon les mêmes termes). En fait, la quantité pléthorique de musique déposée gratuitement sur Jamendo, et téléchargeable gratuitement par les internautes, sert à alimenter le buzz autour de la plateforme, et donc à asseoir sa position pour qu’elle puisse mieux vendre sa marchandise à ses clients. Quelle est cette marchandise ? C’est tout simplement une partie de la musique fournie gratuitement par les artistes gogos (qui toucheront des clopinettes si leur musique a l’immense honneur d’être vendue à tel ou tel marchand de moquette).
  2. Jamendo fait miroiter le succès et une possibilité de rémunération auprès des artistes pigeonnés en les incitant à s’inscrire à des programmes optionnels ou surtout à « Jamendo Pro » (peu de chances que les artistes lisent et comprennent vraiment les clauses léonines des CGU et autres contrats en ligne). Ces artistes, presque tous amateurs, sont souvent avides de reconnaissance, et peu au fait des pratiques et tarifs en usage dans l’industrie musicale traditionnelle. La possibilité d’être sélectionnés par les clients de « Jamendo Pro » peut leur paraître flatteuse et la promesse d’une rémunération, même symbolique, peut leur donner l’impression d’intégrer en quelque sorte le circuit professionnel. Même de vrais militants des licences ouvertes s’y laissent parfois prendre, croyant que « Jamendo Pro » leur permettra d’arrondir les fins de mois tout en restant dans le champ de la libre diffusion.
  3. Une fois présente sur « Jamendo Pro », la musique est mise sous une licence commerciale maison à disposition des « clients » dont MusicMatic (qui, désormais propriétaire, peut se servir directement à la source). Les clauses NC et SA n’ont plus à être respectées, ni même la clause BY. Les programmes de sonorisation vendus par MusicMatic ne font plus aucune référence à la musique libre ni aux licences ouvertes. Les artistes arnaqués ne savent pas quel usage est fait de leur musique, revendue à des tarifs évidemment inférieurs à ceux de la SACEM (c’est même l’argument de vente). Le client n’a même pas obligation de mentionner l’auteur de la musique utilisée : l’artiste rêvant de faire ainsi connaître son oeuvre n’aura donc pondu que de la musique au mètre anonyme en échange de quelques centimes, se mettant ainsi en concurrence déloyale avec les vrais professionnels de la musique d’ambiance, dont les prix seront inévitablement ramenés à la baisse.

Selon Le Journal du Net :

MusicMatic,  la société Belge spécialisée dans la création et la diffusion d’univers sonores personnalisés pour les réseaux de distribution et de franchises, vient de lever 1.8 millions d’euros supplémentaires auprès d’OTC Asset Management. Ce fond d’investissement, qui est également le fond historique de MusicMatic, semble donc croire au potentiel de la société depuis sa création en 2005. Rappelons que MusicMattic avait racheté la plateforme de musique libre Jamendo en mars 2010 et est également propriétaire de Radionomy, une plateforme de web radio. Le total du montant investi dans MusicMatic se porte désormais à 7,5 millions d’euros.

Dans un communiqué, le CEO de la société, Alexandre Saboundjian, explique que cette nouvelle levée de fonds permettra d’accélérer la croissance de ses deux filiales qui « ont besoin de financement pour réussir leur implantation en France, Espagne et Allemagne : Radionomy dans la diffusion de spot audio sur le web, et Jamendo dans la gestion et la commercialisation des droits des artistes.  »

La mission de Jamendo, d’après Alexandre Saboudjian, « c’est faire l’acte de commercialisation », et gérer ensuite les droits générés par cette commercialisation. Jamendo, simple filiale et sous-traitant de MusicMatic, joue donc sur la confusion des genres. Auprès des artistes, la société luxembourgeoise assume tantôt le rôle de label, d’éditeur, de manager, de diffuseur, et même de percepteur des droits d’utilisation (en concurrence directe avec la SACEM, donc), mais sans jamais miser un kopeck sur les artistes eux-mêmes, et sans jamais assumer aucune des charges ni des obligations ou contraintes de ces acteurs traditionnels de l’industrie musicale. La SACEM, tant critiquée dans le monde de la musique libre, remplit dans une certaine mesure une mission de service public définie par l’Etat et son assemblée générale est constituée d’auteurs, de compositeurs et d’éditeurs. Jamendo et MusicMatic, en revanche, n’ont de compte à rendre qu’à leurs actionnaires, tels le fond d’investissement OTC Asset Management.

Si Jamendo se fait passer auprès des artistes pour un militant dévoué de la libre diffusion et un substitut efficace à la SACEM et aux professionnels de l’industrie musicale, il en va tout autrement auprès des clients, à qui Jamendo affirme fièrement vendre de la « musique libre de droits ». Quid de la musique libre, grâce à laquelle Jamendo a développé sa notoriété ? Nada. D’ailleurs, la confusion entre « musique libre » et « musique libre de droits », que nous avions déjà soulignée il y a deux ans, continue délibérément d’être entretenue sur les bannières promotionnelles de Jamendo Pro, comme commencent à s’en rendre compte avec retard certains supporters de Jamendo. Même un ancien modérateur bénévole du forum de Jamendo appelle désormais sur son blog ses congénères à déserter « Jamendo Pro ». Et c’est toujours avec autant de morgue et de cynisme que Jamendo répond à son troupeau :

« La bannière restera telle quelle. Dans une démarche commerciale, c’est un argument pour accrocher des clients. »

Le dénommé « jammartin » qui s’abaisse ici à répondre dans le style concis à la mode dans les écoles de commerce prouve s’il en était besoin toute la considération qu’il a pour les artistes comme pour les clients. On tient là un beau specimen de capitaliste décomplexé. Sylvain Zimmer, lui, ne daigne plus depuis longtemps honorer l’indigent forum de Jamendo de sa présence.

Pour conclure sur une note encore plus comique, souvenons-nous de « l’argument » que Jamendo avait utilisé naguère pour « accrocher » les internautes : il s’agissait de proposer des « Récompenses graduées » aux téléchargeurs afin de lutter contre les « Ripostes graduées » mises en place avec Hadopi. Jamendo, décidément n°1 de la musique libre, se plaçait ainsi du côté des libre-téléchargeurs. A présent, Jamendo demande à être labellisé auprès d’Hadopi. Amusant, non ?

Jamendo ne respecte (toujours) pas les licences ouvertes

Mercredi 22 juillet 2009

Suite à notre pétition qui recueille actuellement 67 signatures, Jamendo a bien modifié ses bannières (cf. article) mais continue à proposer à la vente des oeuvres d’artistes qui ne l’ont pas demandé.

Comme annoncé par Sylvinus, Jamendo a peut-être ajouté « dans le panel d’admin » « une option pour enlever les boutons ‘‘acquérir une licence commerciale’’ quand on est allergique […] » (cf. commentaire de Sylvinus sur ce blog). Mais ces boutons sont toujours bien présents sur les pages des albums et des morceaux.

Cela signifie que, par défaut, l’ensemble du catalogue disponible sur Jamendo est (toujours) proposé à la vente et qu’il revient aux artistes de penser à supprimer ces boutons mensongers.

Il serait plus juste que, par défaut, l’artiste ne soit pas affiché à la vente et que ce soit lui qui décide d’être ou non sur « Jamendo Pro », mais les artistes sont de grands enfants influençables (cf. article). J’espère que vous apprécierez.

Pourquoi disons-nous que Jamendo ne respecte pas les licences ouvertes (ou licences de libre diffusion) ?

Parce qu’un artiste qui a choisi une licence non commerciale (avec clause « NC ») a clairement spécifié qu’il ne souhaitait pas qu’un tiers fasse du business avec sa musique.

C’est à l’artiste de décider, de par le principe de la gestion individuelle inhérent aux licences ouvertes.

Que voit-on maintenant sur Jamendo ?

Prenons, au hasard (1), le cas d’un artiste luxembourgeois (2) inscrit à la SACEM et présent sur Jamendo. Il s’agit du groupe « Eternal Tango », dont les morceaux figurent au catalogue de la SACEM (http://www.sacem.fr/catel/) avec mention du bassiste et compositeur Tom Gatti (3) comme auteur.

Prenons l’album « First Round at the Sissi Café » publié sous licence Creative Commons NonCommercial Sampling Plus 1.0. L’artiste a donc bien choisi une licence non commerciale, bien que celle-ci soit incompatible à l’heure actuelle avec la SACEM (1).

Pourtant, Jamendo prétend bien être en mesure de vendre son album. Il suffit pour cela de cliquer sur le bouton « acquérir une licence commerciale » auquel nous sommes tant allergiques  (cf. article).

Album First round at the Sissi Café

Album First round at the Sissi Café

Cliquons donc sur ce bouton (attention à l’urticaire, quand même !)

Les prix sont compétitifs (à partir de 2 € HT la piste) et nous pouvons obtenir un certificat nous exonérant de la redevance SACEM !!!!? (4).

Allons un peu plus loin en remplissant les champs nécessaires.

Les morceaux sont indisponibles. Ouf ! Le groupe n’a probablement pas souscrit à « Jamendo Pro ». Pourtant, le bouton « acquérir une licence commerciale » laissait penser le contraire.

Sylvinus nous avait prévenus que nous ne trouverions pas d’artistes SACEM sur « Jamendo Pro » !

Jamendo nous donne quelques explications sur ces morceaux présentés comme « en attente de disponibilité » :

Les morceaux indisponibles sont des morceaux que vous avez pu trouver sur jamendo.com et dont les auteurs n’ont pas encore donné leur accord pour une utilisation commerciale.
Vous pouvez toutefois passer commande, nous demandons immédiatement l’accord des auteurs pour l’utilisation de leurs morceaux pour votre projet.

Nous y voilà ! Les morceaux ne sont « pas encore » en vente, mais… tout laisse à penser que ce n’est que provisoire. Il est même possible de passer commande, alors que les morceaux ne sont en fait pas en vente et que les auteurs ne sont pas inscrits à « Jamendo Pro ».

Pourtant nous avons vu plus haut que l’artiste avait choisi une licence « Non Commercial » dont Jamendo se contrefout visiblement, puisque les morceaux sont quand même proposés à la commande.

Imaginons la méthode Jamendo appliquée à d’autres secteurs de l’économie. La voiture de votre voisin vous intéresse ? Vous passez commande sur internet, même si lui n’a jamais émis la moindre intention de vendre son carrosse. Un équivalent de Jamendo se fera fort de le convaincre d’accepter de le vendre à vil prix. Sa maison n’est pas mal non plus ? Passez commande. Sa femme ? Qui sait si elle n’a pas vocation à la prostitution ? Passez juste commande, on ne sait jamais : elle a peut-être juste oublié de cocher l’option « pro »…

Jamendo peut-il toujours prétendre respecter les licences ouvertes ?

Nous demandons simplement à Jamendo que l’artiste puisse décider lui-même et que le catalogue de musique sous licences ouvertes de Jamendo ne soit pas par défaut la vitrine du catalogue sous licence commerciale de « Jamendo Pro ». Les artistes inscrits sur Jamendo sont libres d’adhérer au programme « Jamendo Pro » et assez grands pour faire eux-mêmes, sciemment et volontairement, le choix de verser leurs oeuvres au catalogue de « Jamendo Pro ».

Le client intéressé par les offres de « Jamendo Pro » n’a a priori rien à faire sur jamendo.com. S’il veut faire ses courses, qu’il les fasse directement sur « Jamendo Pro ». Et si, en tant que mélomane, il apprécie des oeuvres présentes sur jamendo.com et que cela suscite son intérêt de commerçant, il peut facilement contacter l’artiste pour lui faire part de son intérêt et lui suggérer d’adhérer à « Jamendo Pro », ou même mieux : lui proposer directement un deal, évitant ainsi de payer une commission à Jamendo.

Jamendo entretient la confusion entre jamendo.com (plateforme d’écoute et de partage) et « Jamendo Pro » qui s’adresse aux professionnels.

Nous aurons l’occasion de revenir dans d’autres articles sur la nocivité de la démarche de Jamendo, mais force est de constater que « Jamendo Pro » n’a plus rien à voir avec la musique libre, contrairement à ce qui est annoncé en première page du site.

Avec les licences pro, Jamendo renie la gestion individuelle et on peut d’ailleurs s’interroger sur l’intérêt de l’artiste de passer par une société qui ponctionne, au passage, 50 % des revenus.

(1) Le hasard fait bien les choses, dit on. Nous aurions pu prendre l’exemple d’un artiste non inscrit à la SACEM, mais il nous a semblé encore plus criant d’en choisir un qui théoriquement ne devrait pas être sur Jamendo, de par l’incompatibilité des licences ouvertes (cf. notre article sur le cas de l’artiste « Petit Homme »). On pourrait nous objecter que le groupe Eternal Tango est luxembourgeois, et échappe donc peut-être aux règles habituelles de la SACEM, qui n’aurait reçu qu’une délégation pour la France. Nous ne savons pas si ce groupe est adhérent direct de la SACEM ou d’une autre société d’auteurs ou sous le régime du copyright. Toutefois, d’autres oeuvres présentes sur Jamendo et figurant au répertoire de la SACEM impliquent aussi des auteurs bien français, tels l’artiste Marc, dont les morceaux présents sur Jamendo sont enregistrés à la SACEM sous le nom de Marc Zeitoun, ou Phil de Guip, dont les morceaux ont pour auteur-compositeur (d’après la SACEM) un certain Jean-Yves Gautier (alias Syd Mc Angel, arrangeur). D’autres cas de ce genre sont évoqués dans notre article « Des artistes SACEM sur Jamendo« .

(2) Le monde est petit, le Luxembourg encore plus ;-)

(3) On ne retrouve pas son nom sur Jamendo ou Myspace mais tout simplement sur Wikipédia et la liste des morceaux déposés en comparaison de ceux présents sur Jamendo confirme qu’il s’agit bien du même auteur.

(4) Je vous avais bien dit qu’on s’amuserait.

Du berger à la bergère…

Vendredi 10 juillet 2009

Sans doute parce que ce qui se passe avec notre pétition les gène très fortement aux entournures, les responsables de Jamendo réagissent rapidement, mais un peu dans le désordre.

Changement des bannières :

Avant :

libre de droits

libre de droits

libre de droits

libre de droits

Après :

libre de droits

libre

libre de droits

libre

http://imgjam.com/mandarine/firsttime/pub_pro_fr.gif

Mais ils ont un moment oublié de modifier (ou supprimer) celle là :

libre de droitshttp://imgjam.com/banners/21/carre_21_fr.gif

Promesse a été faite aussi que, à partir du 15 juillet, les boutons « acquérir une licence d’utilisation commerciale » ne seraient plus imposés par défaut sur tout le catalogue de Jamendo.

C’est déjà ça. Mais restons vigilants.

Censure

Mardi 7 juillet 2009

Jamendo aura promptement réagi à l’annonce de notre pétition en fermant deux discussions sur son forum :

http://www.jamendo.com/fr/forums/discussion/26295/petition-contre-les-abus-et-derives-de-jamendo/
Ici, une employée de Jamendo clôt tout débat sur la pétition avec ces mots :

que tu ne sois pas d’accord avec jamendo, soit..
il me semble que nous avons toujours fait preuve de largeur d’esprit en te laissant exprimer tes nombreux désaccords sur le forum..
là, on frôle la diffamation.. en conséquence, nous allons fermer ce thread ainsi que ton compte.

Chacun appréciera la « largeur d’esprit » de Jamendo, qui évite ainsi de répondre sur le fond.

http://www.jamendo.com/fr/forums/discussion/25752/1/pourquoi-faire-croire-que-des-morceaux-sont-a-la-vente-alors-que-les-artistes-ne-le-veulent-pas-/
Ici, la même employée de Jamendo, décidément chargée des basses besognes, se réfugie derrière un cas particulier pour, là aussi, éviter de répondre sur le fond, à savoir le non-respect par Jamendo des droits d’auteur et du copyright.