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Communiqué : A propos de l’expérience SACEM-Creative Commons

Lundi 23 janvier 2012

La SACEM et Creative Commons viennent d’annoncer la mise en place d’une expérience pour une durée de 18 mois, permettant aux sociétaires de la SACEM de « développer la promotion de leurs œuvres » en ayant recours, tout en continuant à confier la gestion de leurs œuvres à la SACEM, aux licences Creative Commons, option Non-Commerciale (CC BY-NC / CC BY-NC-SA / CC BY-NC-ND version 3.0 France).[1]

Jusqu’à présent, la SACEM avait toujours officiellement refusé une telle compatibilité.

Depuis leur création, le collectif Revolution Sound Records[2], l’association Musique libre ![3] avec sa plateforme Dogmazic[4] militent et œuvrent pour la reconnaissance et la promotion de l’usage des licences dites « libres[5] » ou ouvertes. Dans ce cadre strict, nous pouvons dire que la prise en compte de ces pratiques et outils juridiques par la SACEM semble être une avancée… si elle prend ces outils pour ce qu’ils sont : une philosophie du partage.

Toutefois, face à la forme que prend cet accord, nous ne pouvons être que critiques devant cet effet d’annonce de la SACEM, soutenu par la fondation Creative Commons et son chapitre français.

Critiques concernant le modus operandi pour arriver à cette expérience, car nombre d’acteurs du mouvement du Libre (associations, labels, auteurs, mélomanes) ont été exclus des débats, et leurs différents points de vue et expériences, les rares fois où ils ont été entendus, ont été ignorés.

Critiques concernant la base « juridique » de l’accord, à savoir la version 3.0 France des licences CC (licence en cours de transcription, avec une évolution plus que contestable vers une augmentation des responsabilités de l’acceptant[6]). Nous nous étonnons aussi de voir que CC France continue d’ignorer les nombreuses réserves à l’encontre de cette version, réserves portées par certains acteurs du mouvement du Libre (acteurs de terrain en prise directe avec les usages au quotidien des licences libres et ouvertes).

Critiques envers la volonté de la SACEM (avec le poids qui est le sien — celui d’un monopole de fait) de baliser la notion d’usage commercial au sein de ces licences, et ce en exonérant l’auteur de toute responsabilité. De plus, il apparaît clairement que cette définition engendre déjà des problèmes concernant certains lieux comme les bibliothèques ou les médiathèques(7), certains sites de diffusion portés par des association loi 1901 (Dogmazic, RSR…), certaines initiatives et certains outils (bornes Pragmazic[8], netlabels, web radios).

Critiques et prudents envers la dialectique employée par cette annonce dans laquelle l’utilisation de licences libres ou ouvertes est considérée UNIQUEMENT comme un outil de promotion, dont la gratuité serait le seul argument, remisant au loin la philosophie et l’éthique liées au mouvement du libre et portées par un grand nombre d’auteurs et de mélomanes promoteurs des licences libres ou ouvertes.
« Libre » ne signifie pas gratuit, mais implique un autre rapport entre le créateur et le public.

Pour nous, membres de collectifs, d’entreprises et d’associations d’auteurs et de mélomanes, la musique libre est partie prenante d’une réflexion autour des enjeux politiques, économiques, sociaux et culturels de la création et de la diffusion musicale. Elle n’est pas un simple outil promotionnel au service de l’industrie musicale.

Les termes de cet accord montrent que la SACEM ne sort pas de son conservatisme. La SACEM pose des limites qui rendront la libre diffusion presque inapplicable pour ses propres membres et qui vont apporter aux actuels usagers des licences libres et ouvertes beaucoup de confusion, entraînant par la même occasion une insécurité juridique fâcheuse pour le public.

Ignorant les fondements de la culture libre, la SACEM s’impose (avec l’aide hélas du chapitre français de la fondation CC) sur un terrain qui s’est construit sans elle. L’ère de la simpliste dichotomie « amateurs / professionnels » est révolue : la musique sous licences libres ou ouvertes a désormais accédé à la reconnaissance par sa qualité, son pluralisme et sa diversité.

Des efforts de pédagogie doivent être poursuivis afin de démontrer qu’une alternative est réelle, que la musique sous licences libres ou ouvertes (au-delà d’un moyen d’expression et de visibilité) est aussi un acte philosophique, parfois militant ou revendicatif.

Nous appelons le chapitre français de la fondation CC à s’appuyer de nouveau sur la communauté du mouvement du Libre, à nous entendre, à prendre en considération nos revendications ou idées d’évolution, à ne plus se murer derrière un silence hautain et surtout à ne plus parler en notre nom. CC France n’est pas l’unique dépositaire du Libre en France (pas plus que la fondation CC ne l’est dans le monde), et il existe bien d’autres licences utilisées(9)).

Par conséquent, nous continuerons à ne pas diffuser d’œuvres d’artistes sociétaires de la SACEM, y compris ceux ayant opté pour une licence CC, tant que la SACEM n’aura pas corrigé sa définition de la non-commercialité, et qu’elle limitera l’expérience à des licences faisant peser des risques juridiques sur les utilisateurs.

De plus, les nouvelles orientations de CC France vers une culture libre uniquement promotionnelle sont très éloignées de notre façon de voir les choses concernant le lien entre le donnant droit et l’acceptant. Nous refusons de plonger l’acceptant dans l’insécurité juridique qui découle de la déresponsabilisation de l’ayant droit. Cela nous oblige à exclure et à refuser toutes les œuvres placées sous une licence CC version 3.0 France.

Nous appelons les acteurs du Libre partageant nos points de vue et perspectives à réfléchir COLLECTIVEMENT à la mise en place d’outils pour donner un réel cadre éthique à NOTRE vision du Libre et pour permettre au mouvement des cultures libres d’être réellement représenté, afin de pouvoir peser dans les débats à venir.

21 janvier 2012
Le collectif REVOLUTION SOUND RECORDS

http://www.revolutionsoundrecords.org

L’association MUSIQUE LIBRE !

http://www.dogmazic.net/

(1) : http://creativecommons.fr/549/
(2) : http://www.revolutionsoundrecords.org/
(3) : http://asso.dogmazic.net/
(4) : http://www.dogmazic.net/
(5) : http://fr.wikipedia.org/wiki/Licence_libre
(6) : http://aisyk.blogspot.com/2011/12/evolution-des-articles-5-et-6-des.html
(7) : http://scinfolex.wordpress.com/2012/01/10/accord-sacemcreative-commons-quelles-incidences-sur-les-usages-collectifs/
(8) : http://www.pragmazic.net/
(9) : http://wiki.vvlibri.org/index.php?title=Tableau_Licences et http://www.dogmazic.net/static.php?op=copyleftLicence.html&npds=-1

 

Nous invitons quiconque serait en accord avec ce communiqué à le co-signer.

Mise à jour

Lundi 23 mai 2011

Le temps a passé depuis notre pétition de 2009. Revenons un instant au Luxembourg voir ce qu’est devenu le Clearstream de la musique libre deux ans plus tard.

Après avoir été lâché par le fond d’investissement Mangrove, Jamendo a connu quelques restructurations : licenciements, éviction de Laurent Kratz, et prise de participation d’un nouvel acteur. Laissons Pierre Gérard, cofondateur de Jamendo, nous faire les présentations :

Pour ceux qui ont loupé l’info, c’est maintenant officiel: les investisseurs et fondateurs de Jamendo ont finalisé un deal avec la société MusicMatic SA, vous pouvez lire le communiqué sur le blog jamendo
MusicMatic est spécialisé dans la fourniture de contenu audio et video dans les points de ventes et était un client de Jamendo qui lui fournissait déjà du contenu musical “non SACEM”. Jamendo peut ainsi développer son offre commerciale pour les points de vente mais aussi continuer à proposer la vente de licences pour la synchronisation musicale de programmes audiovisuels via le shop en ligne ou d’autres distributeurs.
Pour nous ça change quoi ? Notre équipe est bien entendu plus réduite (une dizaine de personnes à Luxembourg), nous avons des bureaux à Paris (où MusicMatic est présent), nous n’avons plus de fond d’investissement comme actionnaire (MusicMatic a acheté les actions de Mangrove). L’objectif principal pour nous est bien sûr le développement commercial, notre ambition est de mettre en place de meilleurs canaux commerciaux et aussi des flux musicaux d’encore meilleure qualité.

Mais qui est le nouveau propriétaire de Jamendo ? MusicMatic, pour faire simple, est donc une entreprise qui sonorise des commerces sans aucune référence à la musique libre ni aux licences ouvertes. Mais d’où proviennent donc les musiques utilisées par MusicMatic ? En partie de « Jamendo Pro », probablement, dont MusicMatic était déjà « client » avant de racheter Jamendo. Il est intéressant de voir la chaîne industrielle ainsi créée :

  1. Le producteur de matière première sonore est l’artiste amateur un peu benêt qui dépose sa musique sur Jamendo, croyant naïvement qu’il s’adresse ainsi à la « plateforme n°1 de musique libre » et que sa musique sera diffusée sous licence ouverte (la plus communément choisie est la licence Creative Commons BY-NC-SA qui interdit les utilisations commerciales et oblige les oeuvres dérivées à être diffusées selon les mêmes termes). En fait, la quantité pléthorique de musique déposée gratuitement sur Jamendo, et téléchargeable gratuitement par les internautes, sert à alimenter le buzz autour de la plateforme, et donc à asseoir sa position pour qu’elle puisse mieux vendre sa marchandise à ses clients. Quelle est cette marchandise ? C’est tout simplement une partie de la musique fournie gratuitement par les artistes gogos (qui toucheront des clopinettes si leur musique a l’immense honneur d’être vendue à tel ou tel marchand de moquette).
  2. Jamendo fait miroiter le succès et une possibilité de rémunération auprès des artistes pigeonnés en les incitant à s’inscrire à des programmes optionnels ou surtout à « Jamendo Pro » (peu de chances que les artistes lisent et comprennent vraiment les clauses léonines des CGU et autres contrats en ligne). Ces artistes, presque tous amateurs, sont souvent avides de reconnaissance, et peu au fait des pratiques et tarifs en usage dans l’industrie musicale traditionnelle. La possibilité d’être sélectionnés par les clients de « Jamendo Pro » peut leur paraître flatteuse et la promesse d’une rémunération, même symbolique, peut leur donner l’impression d’intégrer en quelque sorte le circuit professionnel. Même de vrais militants des licences ouvertes s’y laissent parfois prendre, croyant que « Jamendo Pro » leur permettra d’arrondir les fins de mois tout en restant dans le champ de la libre diffusion.
  3. Une fois présente sur « Jamendo Pro », la musique est mise sous une licence commerciale maison à disposition des « clients » dont MusicMatic (qui, désormais propriétaire, peut se servir directement à la source). Les clauses NC et SA n’ont plus à être respectées, ni même la clause BY. Les programmes de sonorisation vendus par MusicMatic ne font plus aucune référence à la musique libre ni aux licences ouvertes. Les artistes arnaqués ne savent pas quel usage est fait de leur musique, revendue à des tarifs évidemment inférieurs à ceux de la SACEM (c’est même l’argument de vente). Le client n’a même pas obligation de mentionner l’auteur de la musique utilisée : l’artiste rêvant de faire ainsi connaître son oeuvre n’aura donc pondu que de la musique au mètre anonyme en échange de quelques centimes, se mettant ainsi en concurrence déloyale avec les vrais professionnels de la musique d’ambiance, dont les prix seront inévitablement ramenés à la baisse.

Selon Le Journal du Net :

MusicMatic,  la société Belge spécialisée dans la création et la diffusion d’univers sonores personnalisés pour les réseaux de distribution et de franchises, vient de lever 1.8 millions d’euros supplémentaires auprès d’OTC Asset Management. Ce fond d’investissement, qui est également le fond historique de MusicMatic, semble donc croire au potentiel de la société depuis sa création en 2005. Rappelons que MusicMattic avait racheté la plateforme de musique libre Jamendo en mars 2010 et est également propriétaire de Radionomy, une plateforme de web radio. Le total du montant investi dans MusicMatic se porte désormais à 7,5 millions d’euros.

Dans un communiqué, le CEO de la société, Alexandre Saboundjian, explique que cette nouvelle levée de fonds permettra d’accélérer la croissance de ses deux filiales qui « ont besoin de financement pour réussir leur implantation en France, Espagne et Allemagne : Radionomy dans la diffusion de spot audio sur le web, et Jamendo dans la gestion et la commercialisation des droits des artistes.  »

La mission de Jamendo, d’après Alexandre Saboudjian, « c’est faire l’acte de commercialisation », et gérer ensuite les droits générés par cette commercialisation. Jamendo, simple filiale et sous-traitant de MusicMatic, joue donc sur la confusion des genres. Auprès des artistes, la société luxembourgeoise assume tantôt le rôle de label, d’éditeur, de manager, de diffuseur, et même de percepteur des droits d’utilisation (en concurrence directe avec la SACEM, donc), mais sans jamais miser un kopeck sur les artistes eux-mêmes, et sans jamais assumer aucune des charges ni des obligations ou contraintes de ces acteurs traditionnels de l’industrie musicale. La SACEM, tant critiquée dans le monde de la musique libre, remplit dans une certaine mesure une mission de service public définie par l’Etat et son assemblée générale est constituée d’auteurs, de compositeurs et d’éditeurs. Jamendo et MusicMatic, en revanche, n’ont de compte à rendre qu’à leurs actionnaires, tels le fond d’investissement OTC Asset Management.

Si Jamendo se fait passer auprès des artistes pour un militant dévoué de la libre diffusion et un substitut efficace à la SACEM et aux professionnels de l’industrie musicale, il en va tout autrement auprès des clients, à qui Jamendo affirme fièrement vendre de la « musique libre de droits ». Quid de la musique libre, grâce à laquelle Jamendo a développé sa notoriété ? Nada. D’ailleurs, la confusion entre « musique libre » et « musique libre de droits », que nous avions déjà soulignée il y a deux ans, continue délibérément d’être entretenue sur les bannières promotionnelles de Jamendo Pro, comme commencent à s’en rendre compte avec retard certains supporters de Jamendo. Même un ancien modérateur bénévole du forum de Jamendo appelle désormais sur son blog ses congénères à déserter « Jamendo Pro ». Et c’est toujours avec autant de morgue et de cynisme que Jamendo répond à son troupeau :

« La bannière restera telle quelle. Dans une démarche commerciale, c’est un argument pour accrocher des clients. »

Le dénommé « jammartin » qui s’abaisse ici à répondre dans le style concis à la mode dans les écoles de commerce prouve s’il en était besoin toute la considération qu’il a pour les artistes comme pour les clients. On tient là un beau specimen de capitaliste décomplexé. Sylvain Zimmer, lui, ne daigne plus depuis longtemps honorer l’indigent forum de Jamendo de sa présence.

Pour conclure sur une note encore plus comique, souvenons-nous de « l’argument » que Jamendo avait utilisé naguère pour « accrocher » les internautes : il s’agissait de proposer des « Récompenses graduées » aux téléchargeurs afin de lutter contre les « Ripostes graduées » mises en place avec Hadopi. Jamendo, décidément n°1 de la musique libre, se plaçait ainsi du côté des libre-téléchargeurs. A présent, Jamendo demande à être labellisé auprès d’Hadopi. Amusant, non ?

Du berger à la bergère…

Vendredi 10 juillet 2009

Sans doute parce que ce qui se passe avec notre pétition les gène très fortement aux entournures, les responsables de Jamendo réagissent rapidement, mais un peu dans le désordre.

Changement des bannières :

Avant :

libre de droits

libre de droits

libre de droits

libre de droits

Après :

libre de droits

libre

libre de droits

libre

http://imgjam.com/mandarine/firsttime/pub_pro_fr.gif

Mais ils ont un moment oublié de modifier (ou supprimer) celle là :

libre de droitshttp://imgjam.com/banners/21/carre_21_fr.gif

Promesse a été faite aussi que, à partir du 15 juillet, les boutons « acquérir une licence d’utilisation commerciale » ne seraient plus imposés par défaut sur tout le catalogue de Jamendo.

C’est déjà ça. Mais restons vigilants.

Pour que vive la musique libre

Lundi 6 juillet 2009

Le Comité de vigilance contre le détournement mercantile des licences ouvertes invite les artistes, diffuseurs, auditeurs, internautes et citoyens à se mobiliser pour la défense de la musique libre.

Les licences ouvertes n’ont pas été conçues pour servir les stratégies d’entrepreneurs en quête de matière première gratuite. La musique libre n’est pas « libre de droits ». Elle n’a pas à servir de support publicitaire. Elle n’a pas besoin pour exister de pseudo-réseaux sociaux ou de la fumeuse « visibilité » que promettent des start-ups aux dents longues à des artistes aveuglés par leur soif de reconnaissance.

Soyons vigilants, pour que vive la musique libre !