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Des juristes hors-pair

Vendredi 24 juillet 2009

Jamendo S.A. est confrontée dans son domaine d’activité à d’épineux problèmes juridiques. Il faut dire que le code de la propriété intellectuelle, les prérogatives de la SACEM et autres organismes de gestion collective des droits, les subtilités des licences ouvertes… ne sont pas simples à concilier. Que cette société ait son siège social au Luxembourg résout peut-être quelques embûches liées au droit français, mais il reste des zones d’ombre.

Par exemple, la présence sur Jamendo d’artistes adhérents de la SACEM, notamment le groupe Petit Homme (voir notre dossier à ce sujet). Confidence (en privé) d’un employé de Jamendo le 5 septembre 2008 :

Oui, je suis au courant de cette affaire. Visiblement, le groupe était sur jam en CC et est passé Sacem ensuite, en négociant de pouvoir garder ses droits numériques et donc de gérer sa diffusion sur le net. Pour le moment on ne bronche pas et on a rien validé. On a mis une batterie de juristes sur le coup pour vérifier plusieurs choses :
- jusqu’à quel point cet accord est compatible avec CC ?
- ne faudrait il pas dans ce cas que l’artiste passe en LAL ?
- sinon quelle CC ?
- quid des programmes commerciaux ?

Bref, toutes ces questions sont en train d’être validées en ce moment par des juristes.

Pourtant, le 13 février 2009, Laurent Petitgirard, de la SACEM, émettait encore de fortes réserves sur la validité de l’ensemble.

Le 23 juillet 2009, alors que Psychonada protestait une fois de plus contre la possibilité offerte aux clients de « Jamendo Pro » de passer commande d’oeuvres en partage sur jamendo.com (bien qu’elles ne soient pas en vente) par l’intermédiaire d’un bouton « acquérir une licence d’utilisation commerciale », Amélie Roëlants, préposée aux basses besognes sur le forum de Jamendo, répondait :

Les artistes ont désormais la possibilité de supprimer le bouton sur leur page via leur admin panel.

Pour le reste, t’inquiète, juridiquement tout est validé.

Et de censurer aussitôt la discussion.

Très forts, décidément, ces juristes de Jamendo. On espère pour eux qu’ils sont mieux rémunérés que les artistes.

Les artistes sont de grands enfants

Mercredi 8 juillet 2009

12 mai 2009 : Sylvain Zimmer (sylvinus) répond sur le forum de Jamendo après que des utilisateurs ont signalé que tous les morceaux diffusés sur le site étaient affublés d’un bouton « acquérir une licence commerciale », même s’ils ne font pas partie du catalogue de Jamendo Pro.

on a pensé à détecter dès cette page le cas particulier quand les tracks ne sont inscrits à aucun programme jamendo pro. le probleme c’est que 7 fois sur 10, après cette demande de licence, l’artiste accepte. Donc on préfère ouvrir la porte à des ventes de licence éventuelles, soumises à l’approbation de l’artiste, que d’envoyer chier l’acheteur direct. Ca ne vous semble pas raisonnable ?

Est-il raisonnable de mettre à la vente des morceaux que les auteurs n’ont pas souhaité vendre, sous prétexte qu’ils ont de grandes chances d’accepter a posteriori ?

15 juin 2009 : Le même sujet est à nouveau abordé sur le forum de Jamendo, et c’est cette fois Amélie Roëlants, qui répond à Psychonada.

imagine un artiste qui ne s’est jamais intéressé à son menu admin. il ne voit pas qu’il peut vendre des licences pour sa musique. on lui laisse une chance d’être « repéré » et si un client en fait la demande, nous le contactons pour savoir si il est ok/intéresse. faut voir que tous les artistes n’ont pas la même approche que toi ou Mankind et que si on leur propose qqch, en général ils sont très contents d’accepter.

Artiste qui n’a pas adhéré à Jamendo Pro, tu es vraiment un grand enfant. heureusement, Jamendo sait ce qui est bon pour toi.

Innovation (1)

Mercredi 8 juillet 2009

6 février 2009 : Laurent Kratz répond à un article du blog presse-citron qui fait l’éloge de Jamendo Pro, « alternative concrète à la SACEM ».

Nous sommes une plateforme de gestion individuelle de droits, de promotion et de distribution numérique basée sur l’innovation des licences Creative Commons.

Ce qui est amusant, c’est que Laurent Kratz fasse référence à la « gestion individuelle » des droits au moment où Jamendo Pro se pose précisément en concurrent de la SACEM, organisme de gestion collective.

La référence aux licences Creative Commons comme « innovation » peut également faire sourire : avec « Jamendo Pro », Jamendo vend des licences d’utilisation commerciale qui sont des licences maison et se démarquent donc des Creative Commons. La « marque » Creative Commons, et au-delà le phénomène de la musique libre, servent donc de produit d’appel pour vendre de la licence Jamendo Pro. Jamendo, qui prétend offrir le « plus important catalogue de musique libre au monde » (et archive.org, alors ?) instrumentalise en fait à son profit l’image de la musique libre pour en quitter aussitôt le champ d’action.

« L’innovation » est le maître-mot de Jamendo. Par exemple, ne pas respecter les prérogatives de la SPRE ou de la SACEM, ce que le droit considère comme une infraction, est présenté comme une « innovation ». Ainsi, lorsqu’un article sur 01net.com révèle les démêlés de « Jamendo Pro » avec la SPRé (qui a écrit à Jamendo pour lui signaler que les utilisateurs de « Jamendo Pro » devaient reverser  les droits voisins au titre de la « rémunération équitable »), Laurent Kratz rétorque :

C’est un régime légal français un peu particulier, explique Laurent Kratz, président de Jamendo. Avec Jamendo, nous sommes dans l’innovation, il y a encore des tas de choses à clarifier.

On comprend mieux la nécessité pour l’entreprise d’avoir son siège social au Luxembourg. Il est ainsi plus aisé d’innover loin du « régime légal français un peu particulier ».

Amélie Roëlants répond aussi sur le forum de Jamendo :

La SPRé est un obligation légale française.
Même si vous passez votre propre musique ou de la musique du domaine publique dans votre lieu public, vous devez payer cette licence. (par exemple certain magasin passe que des CéDés de Mozart et Bach, ils ne doivent pas payer la SACEM, mais doivent bien payer la SPRé).
Cela s’applique donc à Jamendo aussi. Jamendo innove, on a encore beaucoup de choses à clarifier.

On démarre les démarches pour que les artistes qui passent dans nos radios pro en france touchent ce que la spré a collecté. C’est une démarche qui va mettre des années, mais elle est démarrée.

On garde une démarche transparente, en ligne, non exclusive, adaptable titre par titre, qui s’interrompt sur simple click à la demande des ayants droits.

« Jamendo innove », donc : cette innovation consiste visiblement à prendre quelque liberté avec le droit (c’est évidemment le droit qui est en retard sur Jamendo), et les ayants droit lésés peuvent interrompre cette démarche « transparente » (sic) sur « simple clic ».

Sylvinus (alias Sylvain Zimmer, cofondateur de Jamendo) précise ensuite :

Les clients jamendo pro ne doivent en *aucun cas* payer la sacem. La sacem collecte « pour » la spré, mais quand le resto a une licence j.pro, il ne devrait théoriquement payer que la spré en plus. ce qui dans la pratique n’est encore jamais arrivé, puisque les inspecteurs sacem ne passent plus.

Ainsi donc l’innovation de Jamendo consiste à affirmer à ses clients qu’ils n’ont à payer ni la SACEM ni la SPRé, alors qu’ils devraient « théoriquement » le faire pour la SPRé. Mais puisque les inspecteurs de la SACEM « ne passent plus »…