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Innovation (1)

Mercredi 8 juillet 2009

6 février 2009 : Laurent Kratz répond à un article du blog presse-citron qui fait l’éloge de Jamendo Pro, « alternative concrète à la SACEM ».

Nous sommes une plateforme de gestion individuelle de droits, de promotion et de distribution numérique basée sur l’innovation des licences Creative Commons.

Ce qui est amusant, c’est que Laurent Kratz fasse référence à la « gestion individuelle » des droits au moment où Jamendo Pro se pose précisément en concurrent de la SACEM, organisme de gestion collective.

La référence aux licences Creative Commons comme « innovation » peut également faire sourire : avec « Jamendo Pro », Jamendo vend des licences d’utilisation commerciale qui sont des licences maison et se démarquent donc des Creative Commons. La « marque » Creative Commons, et au-delà le phénomène de la musique libre, servent donc de produit d’appel pour vendre de la licence Jamendo Pro. Jamendo, qui prétend offrir le « plus important catalogue de musique libre au monde » (et archive.org, alors ?) instrumentalise en fait à son profit l’image de la musique libre pour en quitter aussitôt le champ d’action.

« L’innovation » est le maître-mot de Jamendo. Par exemple, ne pas respecter les prérogatives de la SPRE ou de la SACEM, ce que le droit considère comme une infraction, est présenté comme une « innovation ». Ainsi, lorsqu’un article sur 01net.com révèle les démêlés de « Jamendo Pro » avec la SPRé (qui a écrit à Jamendo pour lui signaler que les utilisateurs de « Jamendo Pro » devaient reverser  les droits voisins au titre de la « rémunération équitable »), Laurent Kratz rétorque :

C’est un régime légal français un peu particulier, explique Laurent Kratz, président de Jamendo. Avec Jamendo, nous sommes dans l’innovation, il y a encore des tas de choses à clarifier.

On comprend mieux la nécessité pour l’entreprise d’avoir son siège social au Luxembourg. Il est ainsi plus aisé d’innover loin du « régime légal français un peu particulier ».

Amélie Roëlants répond aussi sur le forum de Jamendo :

La SPRé est un obligation légale française.
Même si vous passez votre propre musique ou de la musique du domaine publique dans votre lieu public, vous devez payer cette licence. (par exemple certain magasin passe que des CéDés de Mozart et Bach, ils ne doivent pas payer la SACEM, mais doivent bien payer la SPRé).
Cela s’applique donc à Jamendo aussi. Jamendo innove, on a encore beaucoup de choses à clarifier.

On démarre les démarches pour que les artistes qui passent dans nos radios pro en france touchent ce que la spré a collecté. C’est une démarche qui va mettre des années, mais elle est démarrée.

On garde une démarche transparente, en ligne, non exclusive, adaptable titre par titre, qui s’interrompt sur simple click à la demande des ayants droits.

« Jamendo innove », donc : cette innovation consiste visiblement à prendre quelque liberté avec le droit (c’est évidemment le droit qui est en retard sur Jamendo), et les ayants droit lésés peuvent interrompre cette démarche « transparente » (sic) sur « simple clic ».

Sylvinus (alias Sylvain Zimmer, cofondateur de Jamendo) précise ensuite :

Les clients jamendo pro ne doivent en *aucun cas* payer la sacem. La sacem collecte « pour » la spré, mais quand le resto a une licence j.pro, il ne devrait théoriquement payer que la spré en plus. ce qui dans la pratique n’est encore jamais arrivé, puisque les inspecteurs sacem ne passent plus.

Ainsi donc l’innovation de Jamendo consiste à affirmer à ses clients qu’ils n’ont à payer ni la SACEM ni la SPRé, alors qu’ils devraient « théoriquement » le faire pour la SPRé. Mais puisque les inspecteurs de la SACEM « ne passent plus »…

Quand Jamendo met en vente des morceaux sans l’autorisation des ayants droit

Mercredi 8 juillet 2009

Décembre 2007 : Jamendo met en place de nouvelles conditions générales d’utilisation qui stipulent : « Vous autorisez JAMENDO à reproduire, représenter, traduire, numériser, utiliser à des fins publicitaires, commerciales ou non, l’ensemble des Contenus et informations que vous avez apportées sur les Services ». Les artistes qui ont mis en ligne leurs oeuvres sur Jamendo avant cette date n’ont pas forcément perçu cette subtilité. Les musiciens ne sont pas forcément juristes et une phrase glissée dans un long texte juridique passe facilement inaperçue. Il n’y a pas eu d’annonce publique ni d’explication à ce sujet. Dès lors, on peut supposer que de nombreux artistes ignorent ce « détail » pourtant important. Ainsi, il n’est pas certain que les auteurs diffusant sous une licence qui comporte une clause « non commerciale » sachent réellement qu’en s’inscrivant sur Jamendo, ils permettent de fait à l’entreprise luxembourgeoise de déroger à cette clause. Ces CGU n’offrent toutefois pas (pas encore ?) à Jamendo le droit de vendre la musique qui lui est confiée.

Décembre 2008 : Création par Jamendo de la licence « Jamendo Pro ». Les artistes diffusés sur Jamendo sont invités à souscrire à ce programme, présenté comme optionnel. Jamendo Pro commence ainsi à vendre des licences d’utilisation commerciale. A noter que faute d’adhésion des auteurs au programme « pro », les oeuvres diffusées sur Jamendo restent évidemment soumises aux licences ouvertes dont Jamendo impose encore l’usage. Certaines de ces licences comportent une clause « nc » qui interdit tout usage commercial de l’oeuvre (sauf dérogation accordée par l’auteur, dérogation dont bénéficie d’ailleurs Jamendo pour l’affichage de bandeaux publicitaires sur le site, comme le stipulent les CGU).

10 mai 2009 : Mastaroth révèle sur le forum de Jamendo (voir discussion) que certains de ses morceaux sont en vente sur Jamendo Pro sans son autorisation. Bien que n’ayant jamais souscrit au programme « pro », il a eu la surprise d’y trouver ses morceaux, et est même allé jusqu’à tester l’achat (voir capture d’écran).

12 mai 2009 : Sylvinus (alias Sylvain Zimmer, fondateur de Jamendo) affirme qu’il est « impossible qu’on vende des licences si l’artiste n’a pas donné son accord, c’est le principe même de jamendo pro ». Il reconnaît toutefois que les morceaux de Mastaroth ont été mis en vente sans son autorisation : « il y a bien eu un bug », dit-il. Le problème serait donc d’ordre technique et le « bug » est effectivement corrigé dans la journée : les morceaux de Mastaroth ne sont plus disponibles à l’achat. Mais l’affaire est l’occasion de révéler que tous les morceaux diffusés sur Jamendo sont affublés d’un bouton « acquérir une licence commerciale », même si les artistes n’ont pas adhéré à Jamendo Pro.

9 juin 2009 : Psychonada découvre qu’un morceau dont il est co-auteur est en vente sans son autorisation sur Jamendo Pro. Il alerte immédiatement par courriel Maya de Luna, autre co-auteure du morceau, qui le diffuse sur Jamendo. Celle-ci admet avoir peut-être souscrit à Jamendo Pro sans en avoir mesuré les conséquences ni avoir averti ses co-auteurs. Mais Jamendo n’a fait aucune demande d’accord aux autres ayants droit des morceaux diffusés par Maya de Luna. Mankind Concept et Solcarlus sont dans le même cas : des morceaux dont ils sont auteurs ou co-auteurs sont également mis en vente sur Jamendo Pro sans leur accord.

14 juin 2009 : Mankind Concept proteste publiquement sur le forum de Jamendo (voir discussion). Avec Solcarlus et Psychonada, ils réclament le retrait du catalogue de Jamendo Pro des morceaux dont ils sont auteurs ou co-auteurs, et obtiennent satisfaction. Toutefois, le bouton « acquérir une licence commerciale » est maintenu sur chaque morceau. En conséquence, les trois auteurs exigent le retrait total des morceaux incriminés de Jamendo.

17 juin 2009 : Les morceaux de Maya de Luna dont Mankind Concept, Solcarlus et Psychonada sont ayants droit sont bien supprimés du catalogue Jamendo. Jamendo a même supprimé sans explication publique deux albums de Maya de Luna. Du coup, celle-ci proteste sur le forum. Le débat de fond sur la vente sans autorisation est alors éclipsé par des considérations plus personnelles.

20 juin 2009 : Mankind Concept recentre le débat en révélant que Jamendo affirme désormais  dans ses bandeaux publicitaires vendre de la musique « libre de droits » (voir image). Pourtant, sur la page de Jamendo Pro, on peut lire : « Profitez du plus important catalogue de musique libre au monde ». Musique libre ou musique libre de droits ? Ce n’est pas la même chose, et Jamendo, site pionnier de l’utilisation des licences libres ou ouvertes depuis 2004 devrait en savoir quelque chose. La confusion ainsi entretenue, tandis que des morceaux se retrouvent en vente sur Jamendo Pro sans l’autorisation des auteurs, méritait peut-être un débat approfondi.

25 juin 2009 : Reznamor montre que des musiques sous copyright sont diffusées sur Jamendo. On peut lire sur la page de Jamendo Pro : « Economisez les redevances des sociétés de gestion de droits d’auteur (SACEM…) ». Pourtant, si des musiques sous copyright ou figurant au catalogue de la SACEM se retrouvent sur Jamendo, et donc possiblement sur Jamendo Pro, les clients de Jamendo Pro qui croient pouvoir s’affranchir des paiements à la SACEM risquent de déchanter.

26 juin 2009 : Kenji fait référence à la SPRE (voir article). On apprend ainsi que cet organisme est habilité à collecter les droits voisins sur les diffusions. Jamendo Pro a peut-être promis un peu vite à ses clients qu’ils n’auraient rien de plus à payer que la licence Jamendo Pro. Les discussions se poursuivent ensuite sur ce point, ainsi que sur la diffusion par Jamendo d’oeuvres copyrightées.

7 juillet 2009 : Censure. La discussion est close par Jamendo, sous prétexte que le problème de Maya de Luna est résolu, alors que ce n’était vraiment pas le fond du problème.